EQUATION

Sachant les répétitions minimales,
Sachant les rires aux éclats,
éclats divisés
Infiniment
jusqu’à l’invisible.
Sachant les reconnaissances fragiles,
les yeux en coins,
les gestes passés,
les caresses contenues,
De combien serons nous proches ?

EQUATION

Sachant qu’aucune brique n’attends son lot d’atomes.
Il n'y avait que du feu. En boule jaune, lourde au centre.
Il n'y avait que de la terre, brune et dense. A pétrir.
Au dessus, des kilomètres de vie verte cherchant la lumière.
Au dessus, s'agitant, des corps. Troupeau de bêtes blanches.
Quelques hommes aux pas fatigués attendant que le soleil ne se couche.

Historique de Mutatis Mutandis

1862. Une coopérative d'artisans parisiens, Les Artisans d'Eléphantie, inquiete par l'extinction annoncée des éléphants travaille à la création d'une matière susceptible de remplacer l'ivoire.
Quelques années plutôt, pendant la guerre de Sécession, aux Etats-Unis, la société Phelan & Collonder lance un concours pour répondre à l'embargo qui touche l'ivoire d'éléphant et met en péril leur production de boules de billards.
Parallèlement aux frères Hyatt, la coopérative expérimente de nouvelles techniques. Après plusieurs années de recherche sur la cellulose, elle la juge trop fragile et change de cap en optant pour une formule innovante qui aboutira bientôt avec l'Eléphantiasoïde. Aujourd'hui la composition de ce matériau est perdu, mais les rares qui ont pu l'avoir en main en ont vanté sa beauté et sa résistance.
Convaincu de leur réussite, une délégation de la coopérative fait le voyage jusqu'à New-York. Mais là-bas, la concurrence se joue entre les inventeurs supposés du Celluloïd. L'Eléphantiasoïde ne trouve aucun débouché et la délégation se voit contrainte de retourner à Paris sans le sou.
Bien que le choix du nom soit malheureux, on ne peut expliquer leur échec que par des raisons commerciales et de présentations. Leur approche nouvelle de la chimie n'était-elle pas trop en avance pour l'époque?
Le retour à Paris coïncide avec la Commune de 1871, nombreux des ouvriers de la coopérative y prirent part et plusieurs périr pendant ces sanglants combats.
Malgré la faillite qui suivit l'épisode de l'Eléphantiasoïde, la coopérative avait développé des techniques qu'elle sut faire évoluer. Rapidement, elle se remit financièrement et, suivant les progrès des nouvelles matières plastiques, proposa à la vente, pendant plus de 20 ans, de nombreux objets en Galathite ou Bakélite.
En 1924, la coopérative change de nom, elle s'appellera désormais Plastok. La production sera soutenue jusqu'en 1940. A cette date Plastok quitte la région parisienne où elle avait installée ses nouveaux ateliers. Plastok ne reprendra son activité qu'à la Libération.
Les années d'après-guerre voient l'essor de la consommation de masse, l'usage des matières plastiques se généralise et se diversifie. Les plastiques de couleurs sont un succès industriel auquel Plastok participe grâce à une production variée d'objets de grande consommation qui feront sa fortune.
La crise pétrolière de 1973 et l'avènement des premiers ordinateurs personnels marque profondément l’entreprise. D’un commun accord les employés de Plastok décident de quitter la production de plastique et de vendre les actifs de la société. La totalité du personnel, ouvriers, cadres et ingénieurs intègrent la nouvelle structure. Elle prendra le nom de Mutatis Mutandis et se reconvertira dans les activités de recherche qu'on lui connaît aujourd'hui.
En 2010, après des années de recherches dans un relatif anonymat, Mutatis Mutandis sort de l’ombre…

L'histoire d'Auguste Barrière avant qu'il ne s'appelle Max M.

Auguste Barrière avait dédié sa vie à la révolution. Chaque geste de sa vie en portait la marque, chaque pensée qui lui venait avait sa portée, son sous-entendu révolutionnaire: prendre un café au bar d'en face, se brosser les dents, marcher même était un acte révolutionnaire.
Ne l'imaginez pas gesticulant, appelant la foule à la révolte, juché sur la première poubelle venue. Son action révolutionnaire était une œuvre de l'esprit, une preuve même du pouvoir de l'esprit, convaincu que si l'ensemble de ses activités psychiques se consacrait à la révolution, celle ci adviendrait tôt ou tard. Il lui fallait devenir révolution pour qu'elle se fasse.

Auguste avait tout lu de l'œuvre de Marx et d'Engels, compulsé Lénine avec dévotion, de leur correspondance la plus anodine à leurs œuvres les plus abouties, les Matérialisme et empiriocriticisme, les Que faire, les Internationalisme prolétarien; répétant en lui même, à la manière des moines, les passages les plus puissants psychiquement. Car il aimait à classer ses livres selon leur Potentiel d'Accélération Révolutionnaire. Certains livres véhiculaient un grand PAR si l'on savait les lire, débusquer en leur sein cette subtile équation. Le Manifeste du Parti Communiste était l'un des plus puissant par exemple, il se devait de le lire une fois par jour. Sa seule Lecture Psychiquement Active (LPA) influait quotidiennement sur le devenir révolutionnaire du monde. Les livres a faible portée n'en demeurait pas pour autant inutile, le PAR d'un Théorie de la plus-value s'ajoutant selon une complexe mathématique à la force d'un L'état et la révolution.

La fin était proche, il le sentait: le monde vibrait, semblait se tordre par endroits. Il n'en faudrait pas beaucoup pour qu'il cède. La quête d'un livre de Pure Accélération Révolutionnaire (P'AR) devint son obsession, un livre dont la simple lecture produirait un Basculement de Réalité Révolutionnaire (BRR). Bercé par le train qui le menait à la grande ville, Auguste se récitait mentalement La Lutte Des Classes.

Ses journées il les passait désormais dans les librairies et les bibliothèques à l'affut du Livre (P'AR). Sans jamais se faire remarquer par personne, il fouinait, pensant reconnaitre le Texte du premier coup d'œil, pensant que le Texte se ferait reconnaitre. Pendant 3 mois, sans déroger à ses lectures et à ses rituels révolutionnaires, embusqué derrière son apparence de simple lecteur, il parcourut des milliers de pages, traversant les mots et les phrases à la recherche d'une véritable dialectique de BRR. Un jeudi, il mit la main dessus, c'était XXX, un petit in octavo d'un auteur russe inconnu, une annexe au Capital, une relecture plutôt du livre deux, tome deux, section 3, chapitre vingt et vingt et un. Ivre de l'avoir enfin déniché, il passa la nuit dans le train, perdu qu'il était dans sa lecture, émerveillé par l'enchainement nouveau des mots, le rythme soutenu des phrases, la soudaine clarté des idées en lui. Auguste le tenait son chant de P'AR, le grand soir était là, à portée de pensée. A peine l'avait-il fini qu'il le reprenait en main, le redécouvrant sans cesse. Aveuglément enthousiaste, il en oubliait même sa dernière lecture: "Il faut absolument que je lise ce livre!" s’exclamait-il à chaque point final. Tant et si bien qu'il revendit tout les livres de sa bibliothèque devenu désuète pour ne se procurer que du XXX, formule et logique secrète d'une révolution précipitée et imminente.

EQUATION

Sachant le souffle au coeur,
Sachant nos vies vectorisées,
Sachant que ça appelle,
ça demande,
ça n'arrête pas,
Sachant fonction: du monde dans la rue
if ça s'impose,
if ça ira, ça ira,
if qu'on se dise que ça peut plus durer.
Alors on s'en sortira grandit,
pour une fois () ;
Sachant un peut tout ça.
Combien ça peut péter?

EQUATION

Te sachant perdu, ou cherchant à l'être, pour d'obscures raisons.
Sachant qu'on espérait mieux,
qu'il y avait tant d'espace.
Sachant nos vies minuscules.
Sachant le bord des larmes.
Sachant tout les verres bus.
Nous étions des coeurs en marche.
Le sachant très bien ou pas du tout.

MAJ: Nous étions des barres de fer,
la trouille au ventre.

Dans combien de feux voulions-nous
nous consumer?
jouer enfin?

EQUATION

Sachant qu'une rue plonge à l'horizon autant qu'une autre.
Sachant ses façades coupées à leurs exactes mesures.
Les sachant toutes hautes et ouvragées.
Sachant le bitume lourd par dessus le sable,
le sable lourd par dessus les câbles,
Sachant le ciel bleu d'un bloc.
Combien de pas ferons nous pour nous MANIFESTER?